« L’idée de travailler le café est née à Valence dans notre restaurant familial. Bien qu’on ne buvait pas beaucoup de café dans ma famille, j’ai toujours été bercée par ces odeurs. Je me souviens, enfant, voir le café au piston servi devant les clients du restaurant ; il existait, malgré tout, déjà une cérémonie autour du café dans la maison.
Quand je suis revenue à la Maison Pic il y a 25-30 ans, le café n’était pas forcément valorisé mais mon père proposait du Blue Mountain à la carte et il était déjà dans une recherche de jolis crus et dans les infusions de café qui connaissent aujourd’hui, un grand retour dans les foyers et dans la gastronomie.
Il faut reconnaître que les grands industriels comme Nespresso ont contribué à démocratiser la consommation de café jusqu’à développer le niveau d’exigence de certains consommateurs. C’est notamment pour cela que dans mon restaurant de Lausanne, nous avons toujours veillé à proposer des cafés de qualité, des crus d’exception pour permettre à nos clients de déguster des cafés bien supérieurs à ce qu’ils peuvent avoir chez eux.
Cette transformation des habitudes de consommation du café a eu un impact positif sur l’ensemble du secteur. J’ai moi-même rapidement ressenti le besoin de me former pour mieux comprendre ce produit. Il faut se former. Chercher à en savoir plus. C’est fondamental.
Le restaurant est un vrai lieu de culture, qui doit contribuer à faire connaître tel ou tel produit. Le café suscite aujourd’hui autant d'intérêt que le vin. On doit donc favoriser cette découverte comme c’est déjà le cas pour le vin ou le thé. C’est la démarche que nous avons entamé et poursuivi avec Paz Levinson lors de son arrivée au sein de la Maison Pic en tant que cheffe sommelière exécutive. Nous avons le même degré d’exigence. Aujourd’hui, Paz s’occupe de sélectionner tout ce qui est « liquide » dans nos différentes maisons. Pas seulement des vins, mais aussi des infusions, des cafés, des eaux minérales, des sakés, des bières qui sont à la carte, dans une vision globale ; toutes les boissons ont leur importance.
Il y a 15 ans, quand je me suis intéressée au café, ça n’a pas été aussi facile de convaincre les équipes de sommellerie de s’y intéresser. Aujourd’hui, elles sont toutes convaincues et même moteurs sur le café et la mixologie. J’ai, depuis, très vite réintégré un rituel autour du café dans la maison avec notamment l’usage de la Chemex.
Ma rencontre avec Hyppolite Courty de "L’arbre à café” a été déterminante dans cette démarche. Utiliser une Chemex dans ma salle de restaurant, à l’époque, cela paraissait invraisemblable. J’ai rencontré Hyppolite au mois de janvier, lorsque le restaurant était fermé. Je lui ai dit que je voulais me former. Je ne suis pas une grande buveuse de café, et pour autant, on peut s'intéresser à quelque chose sans en boire continuellement. J’ai, en revanche, découvert l’infusion de café. J’ai compris ce jour-là que c’était ça que j’aimais dans le café.
Nos collaborateurs sont aujourd’hui formés 2 à 3 fois dans l’année. On fait des trainings tout le temps, le but étant que tout le monde sache faire une super Chemex : de l'apprenti au chef sommelier. Il faut qu’il y ait une régularité sur la qualité et que chaque personne s’approprie la culture du café dans la maison
Ce qui est passionnant avec le café, c'est la diversité des goûts. Du choix des crus, aux millésimes, en passant par les cafés de spécialité, la dégustation se fait en permanence, lors de sessions de cupping. Avec Hyppolite on choisit les cafés qu'on va mettre à la carte 2 à 3 fois par an, parce qu’il y a aussi une vraie saisonnalité. On forme ensuite les équipes sur les produits, les rituels en salle et la distillation selon les recettes. Les 2 premiers plats que j'ai travaillé avec le café ont été la betterave/café et l'huître au café. Nous proposons également une recette de café Chemex avec des épices moulues, de la fleur d’oranger fraîche et du whisky, c’est dingue !
Pour aller plus loin dans ma démarche, je souhaiterai rencontrer des producteurs de café, voir leurs récoltes en me rendant sur place au Panama ou en Éthiopie, afin de comprendre et d’en apprendre encore un petit peu plus. »